Lee Ufan et moi
Mercredi 18 juin. Le temps est magnifique sur le Château du Roi Soleil, l'esplanade est écrasée de lumière, et les abords du Grand Canal se laissent prendre d'assaut par des cheptels d'enfants dont c'est le jour de relâche.
Des couples adolescents, vautrés dans l'herbe, s'indiffèrent à ce qui les entoure ; des personnes âgées occupent les bancs ombragés : à part les agités du jogging qui suent sous l'effort et la chaleur, il semblerait donc que chacun vienne donc ici accompagné.
Moi aussi, je suis accompagnée ... De mon appareil photo. Parce que je suis venue spécialement pour voir l'expo de Lee Ufan. Dont voici le "reportage" très subjectif ....
Je pensais -naïvement- trouver le plan des installations à l'entrée des jardins. Puisqu'il en est rien, il ne me reste plus qu'à chercher .... Je me dirige donc vers le Château. On parle de moins en moins français alentour.
Une rose se fane entre les doigts de marbre d'une statue, devant les flots de touristes indifférents.
A ma gauche, je vois la première pièce. Elle n'est pas très éloignée du bassin d'Apollon, mais excentrée de la foule.
J'avais beau m'y attendre, cette première vision me laisse dubitative : 2 rochers, une pièce de métal érigée en leur centre. Et puis rien ....
Ami lecteur, si tu cherches une émotion devant une prouesse technique, passe ton chemin !! Ici, il n'y aura donc pas d'art académique !
J'ai joué le jeu. Après avoir contourné les installations, je me suis assise au sol, près du rocher. Et il n'a pas fallu longtemps pour que la magie opère.
En fait, ce sont juste 2 blocs de métal soudés, mais on les ressent comme une pièce unique, très large, très haute. Elle ondule légèrement.
Je vois un peu plus loin passer les touristes, écrasés du soleil cuisant, alors que je suis sous l'ombre fraîche : souvent par groupes, toujours pressés (sans doute viennent-ils de Paris, peut-être seront-ils à Giverny en fin de journée ?!!).
Les rochers sont granuleux, aux aspérités multiples. Ils semblent répondre au lissé du métal par leur complexité naturelle.
L'installation me protège de l'agitation. Il n'y a toujours personne qui ait fait le crochet pour venir jusqu'ici.
Le concept est posé. Je sais dans quel état d'esprit j'aborderai donc l'expo.
Il ne m'aura pas fallu longtemps pour trouver la pièce suivante. Deux rochers lisses et blancs de part et d'autre d'une allée rectiligne.
Suis-je venue à la bonne heure ? L'endroit est-il toujours ainsi scindé entre ombre et lumière ? Toujours est-il que l'harmonie de cette installation vient, à mon avis, de cette alternance. Elle met en valeur cette découpe naturelle à laquelle, sans elle, on n'aurait peut-être pas prêté attention.
Malheureusement, l'endroit est plus passant. J'arrive quand même à sauver 2 clichés à peu près corrects. Et puis, je suis moins emballée, je l'avoue ...
Commence alors ma longue et laborieuse recherche dans le dédale de Versailles. Parce que c'est grand, Versailles ! Très grand ....
Et je vous rappelle qu'il fait très chaud !
Même moi qui vis non loin, je n'avais pas parcouru ces allées depuis .....
(les avais-je même déjà parcourues ?!) .....
Si j'ajoute ces photos, ne croyez pas que ce soit gratuit, ni pour vous perdre avec moi par pur sadisme, ni même "pour faire joli". Non, c'est parce qu'il me semble que cette "errance" était NÉCESSAIRE.
Parce que soudain voici -enfin !- l'indice, le petit panneau qui indique la voie .... Et ....
LE CHOC !
Autant vous le dire, c'est pour moi la pièce maîtresse de l'expo.
Un espace vide, ample, éloigné, et silencieux, où l'herbe folle a repris ses droits. Et au milieu cette apparition incroyable !
D'une majesté à couper le souffle, incongrue.
Le gravier blanc réverbère la lumière, les pierres découpent des ombres qui se juxtaposent aux ombres peintes ; c'est un temple païen et antique.
Bref, je suis sous le charme absolu.
Et bien sûr : personne d'autre que moi ....
Mes autres recherches seront désormais vaines. Inexorablement, je remonte vers l'esplanade du Château. Je vais quitter le royaume du silence et de l'aubépine ....
La bassin de Latone est en travaux. Ce n'est pas sans intérêt. Je m'y arrête.
En exergue, en voici juste 2 photos. Les pièces d'alimentation sont d'époque ...
Vous trouverez sur Internet de magnifiques photos de l'arche gigantesque installée devant la façade (vide !) du Château. Pour ma part, je n'ai vu qu'une fourmilière agglutinée sous un arceau métallique aveuglant.
Je me dirige directement vers la partie droite de l'esplanade où trônent 2 autres installations.
Il y a du monde. Qui passe d'ailleurs sans s'arrêter ... Cadrer une photo devient difficile ! Atteindre l'objectif de Lee Ufan encore plus ! J'entrevois bien -me semble-t-il- le sens de cette mise en scène des ombres et de l'espace. Mais il est difficile de s'en imprégner.
Pourtant l'épure est là. Belle et majestueuse.
Un peu plus loin, une autre paroi de métal me ramène à l'esprit de la première installation rencontrée.
Si je présente la première photo en noir et blanc, c'est parce que l'oeil, sur le cliché initial, était trop attiré par les parterres fleuris en arrière-plan.
Autour du métal, le Château, le jardin, jouent à cache-cache. Je m'en amuse avec mon appareil.
Et soudain, avec quelque distance, l'Arche m'apparaît aussi dans sa vraie dimension, incroyablement harmonieuse au milieu des vieilles pierres et des statues. Et puis l'heure tourne, l'esplanade se vide lentement, rendant plus propice la rencontre.
Damned !!! Je trouve enfin le plan .....
10 - "Mur de coton" reste introuvable. Ou invisible ! Sur la façade qui donne sur la ville, la foule est à son apogée ; files d'attente de ceux qui veulent entrer, groupes qui s'attendent. Lasse de me tordre les pieds sur les pavés, je fais demi-tour.
9 - le Bosquet d'Apollon est malheureusement fermé et même rigoureusement clôturé : je le sais, j'en viens ... Dommage parce que ce lieu est peut-être, de tous, mon préféré.
4 - j'ai prévu de passer devant au retour
7 - c'est donc celui-là que j'ai raté ... "Four sides of Messenger"
C'est reparti !
Petit intermède chemin faisant. Vous avez compris le principe, ici, il FAUT se perdre !! (cela permet de s'apercevoir, au passage, qu'il y a dans le coin quelque jardinier facétieux ...).
La perspective est belle, et toujours aussi vide.
Mais la fatigue aidant peut-être, je suis moins sensible à ces blocs. Il n'y a nul endroit pour s'asseoir alentour et se laisser imprégner. On aimerait s'y attarder mais on ne le peut pas : le bosquet est très petit, c'est un lieu de passage ....
Je retourne donc voir les installations de l'allée centrale. De toutes façons, c'est sur "ma route".
La rangée la plus haute est constituée de plaques métalliques couchées sur le sol, alors que, plus bas, ces mêmes plaques sont verticales. Des éclairages semblent prévus. Peut-être alors faut-il les voir de nuit, parce que de jour, très franchement, je n'en ai pas vu l'intérêt ! D'autant que nous sommes revenus à un endroit très passant ...
Je n'attendais rien de spécial de cette expo. J'y suis allée sans a priori, ni négatif, ni positif.
J'ai déambulé pendant 3 heures dans le cagnât et la poussière, et si je dois remercier M. Lee Ufan, c'est de m'avoir contrainte à me perdre, pour mieux ponctuer ma quête de surprises extraordinaires !
Artistiquement, l'intégration de ces pièces de métal et de pierres brutes, dans ce décor classique et rectiligne, est magistralement réussie. Mais on sent que l'artiste a voulu aller au-delà de la vision. Et ce fût réussi pour toutes les installations un peu cachées, qui ont permis d'atteindre le face à face intime avec l’œuvre.
L'apparition de "l'ombre des étoiles" restera gravée dans ma mémoire.
La prochaine fois, et si j'ai de la chance (beaucoup de chance), nous essaierons la Lanterne. C'est par là : il suffit de suivre le chemin de lumière. Mais sous un précédent Président, les abords en étaient inaccessibles !
P.S.: Je présente toutes mes excuses à ceux qui ont reçu plusieurs mails. Il semblerait qu'à chaque fois que je change une virgule, et donc que j'enregistre, ça renvoie un message. Promis, je ferai dorénavant attention à cette donnée nouvelle :-))