Sur la rive droite de la Seine
Petit blog entre amis : publication à 2 voix
Petit rappel : cliquer sur les photos pour les agrandir ...
Sur la rive droite de la Seine, face aux anciens moulins de Paris, les chais de Bercy ont troqué leurs trésors du palais en palais aux trésors de nos rêves d’enfants.
Inutile de se presser, d’abord traverser le parc, depuis la station de métro, grimper les marches monumentales jusqu’à l’esplanade qui domine le fleuve, et là vous rencontrez d’étranges personnages alignés, dos à la Seine, le regard à l’infini, figés comme les statues de l’île de Pâques, un peu balourds d’aspect. Ne vous y trompez pas.
Approchez-vous, vous découvrirez des figures enchâssées dans une dentelle de ferrailles, élégantes grilles d’entourage d’arbres, somptueuses plaques d’égouts en plastron, dessinant des personnages pleins de bonhomie et de grâce, qui vous emmèneront voyager aux quatre coins du monde.
Vous êtes sous un ciel couvert, mais vous avez quitté la grisaille des jours ordinaires, allez vers le « Village », installez-vous à une table, un surprenant convive vous y attend devant un verre de vin.
Prenez encore un peu de temps avec lui.
Peut-être alors va-t-il se métamorphoser en oiseau des îles ?
Alors, suivez-le ...
Il vous conduit jusqu’à la grille d’un autre monde.
Entrez. Oubliez la ville.
Traversez le long porche un peu sombre. Ne craignez rien.
Voilà. Vous êtes au milieu d’une large allée verdoyante entre deux hautes longères noyées dans la vigne vierge et les feuillages des grands arbres qui bordent l’allée. Une roulotte garée le long d’un mur vous prévient : vous avez quitté la ville, sa presse et son bruit.
Vous levez les yeux, une licorne blanche s’élance de branche en branche. Vous vous frottez les yeux, surpris, plus, désarçonné.
Vous vous retournez.
Là bas au fond de l’allée vous croyez voir sur le mur, comme deux yeux rouges qui vous observent étrangement, et plus haut dans les arbres un lièvre en livrée qui vous fait signe.
Écoutez ! Entendez-vous, dans la brise, la voix du magicien coiffé de son gibus qui vous susurre: « Vous êtes entré dans le monde merveilleux d’Alice ».
Il vous appelle maintenant du fond d’un autre couloir, vous invite à vous avancer encore dans les profondeurs de ce monde magique qui vous attend.
Vous pénétrez dans une salle immense aux lumières changeantes qui font surgir des êtres mythiques qui peuplent les parois et recoins des rochers.
Une fée apparaît, nimbée de lumière, un indien presque nu dans une mandorle de plumes multicolores, la face rugissante d’un tigre du Bengale, une diseuse de bonne-aventure vous attend à demi cachée derrière son rideau.
Plus loin dans l’ombre d’une impasse … Attention ! N’y allez pas ! Des brigands cambriolent une maison et en malmènent les occupants !
Mais quel vacarme au fond de la salle ! Et toute cette foule assemblée, bruyante, soudain !
Là, au fond, c’est la piazza del Campo à Sienne, la foule est massée derrière les barrières, à droite les cavaliers attendent le signal du départ : c’est le Palio, la course de chevaux, une fois l’an depuis des siècles, où s’affrontent les quartiers de la ville.
«Choisissez une place, un numéro ; dans le couloir de bois, devant chacun d’entre vous, il y a des puits de couleurs différentes et une boule de billard. Au signal, vous lancez la boule, chaque fois qu’elle tombe dans un puits, elle fait avancer votre cheval ! C’est parti !»
Quel charivari !
Un concert de boules, de chocs, de cris, d’encouragements, d’invectives !
Vous levez les yeux au ciel ! Vous n’avez pas gagné ?
Qu’importe ! …
Voyez ce zèbre bariolé, quel garçon n’a rêvé – les filles je ne sais pas - de voir les jambes de sa maîtresse d’école !
Allons, c’est la récré !
Nous passons la porte et entrons dans une vaste salle presque vide.
Devant vous, sous les projecteurs, un orgue de barbarie, un limonaire dit-on, vous entraine dans une valse mécanique pleine de charme.
La lumière s’estompe, vous êtes maintenant sur la place St Marc à Venise.
C’est le carnaval.
Aux balcons apparaissent des personnages masqués, ils s’animent, leurs ombres immenses se projettent au plafond ; une voix de ténor emplit la salle, c’est le doge qui pérore de sa voix de stentor ; d’un balcon à l’autre les voix, soprane et chœurs, alternent et se répondent ; Arlequin fait la roue autour de Colombina, les projecteurs suivent cette sorte d’opéra qui se joue à ciel ouvert. Mais où sont le vaillant Capitan, le niais Pantalone, le Docteur ignorant ?
« Venez ! Suivez-moi ! », nous dit l’oiseau « Place aux enfants ! ».
Une autre salle nous attend avec ses attractions, glaces déformantes, casse-têtes et manèges, de toutes les générations depuis l’enfance de nos grands parents.
Vous pourrez monter des chevaux de bois qui vous cajolent du regard, courir le grand prix de Monaco au volant de voitures de course aux rondeurs aérodynamiques, ....
... vous installer en famille sur le dos de confortables animaux de la ferme, chevaucher des fauves d’Afrique ou des êtres mythiques tel ce turc-centaure exotique.
Mais par-dessus tout, vous prendrez votre ticket pour le manège aux bicyclettes :
«Ce tout nouveau véhicule, qui, par la seule force de vos jambes, propulse les 2 tonnes de son plateau, et vous avec, à la vitesse vertigineuse de 30 Km/h ! Mais. Attention, mesdames et messieurs, si vous perdez les pédales, n’essayez pas d’y remettre les pieds, on n’a pas encore inventé la roue libre, vous vous feriez du mal !»
Cette course effrénée vous aura épuisé. Passez alors à nouveau le pont du Rialto et de là vous trouverez une allée où prendre l’air et reposer vos esprits de toutes ces émotions.
Alors au bout de cette allée vous trouverez « la piazza »,un joli square dallé bordé de massifs fleuris. A l’ombre de la véranda, tournant votre regard vers le fond, vous verrez derrière la parure d’automne des arbres et barrant l’azur qui s’y reflète, un immense mur de verre qui vous rendra, peut-être réconcilié, au monde que vous aviez pour un temps oublié.
Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. (Mais peu d'entre elles s'en souviennent.)
Texte : Antoine de Rancourt
Photos : Antoine de Rancourt et Cachou